Les normes de genre, la masculinité moderniste et la « cause » de l’épidémie d’autisme

Les théories concernant les « causes » de l’autisme sont singulièrement nombreuses. Dans les années 1960, une notion psychanalytique en particulier a fait couler beaucoup d’encre : les mauvais parents, et tout particulièrement les « mères réfrigérateurs »1, pourraient « causer » l’autisme chez leurs enfants en les perturbant sur le plan émotionnel. Cette théorie s’est imposée dans tout l’Occident, conduisant à arracher cruellement des enfants à leurs mères culpabilisées. Il aura fallu attendre la fin des années 1970 pour que la puissance combinée d’un consensus scientifique croissant et des groupes de défense de parents de plus en plus offensifs la repousse au fin-fond des méandres de la psychiatrie.

Depuis les années 1990, on parle de plus en plus d’une « épidémie d’autisme », en accusant cette fois-ci les vaccins. Cette théorie a été défendue pour la première fois par le chercheur britannique Andrew Wakefield, et elle aussi a fait grand bruit : des parents ont cessé de vacciner leurs enfants, ce qui a déclenché des pics de maladie partout dans le monde. Néanmoins, tout comme pour la théorie des « mères réfrigérateurs », la communauté scientifique s’entend désormais pour dire que, malgré des recherches incessantes, il n’existe aucune preuve d’un lien entre vaccins et autisme2. De fait, bien que le mythe resurgisse régulièrement dans la bouche de célébrités mal informées telles que Donald Trump, l’étude d’Andrew Wakefield a été reconnue comme frauduleuse3 et son auteur radié de l’ordre des médecins4.

Des chercheureuses plus honorables se sont en revanche concentré‧es sur des études comparant divers facteurs génétiques, épigénétiques, et environnementaux entrant en jeu. Par exemple, depuis les années 1970, des études menées sur des jumeaux et jumelles5 ont indiqué que l’autisme était probablement inné et héréditaire. Depuis, la recherche de gènes dits « à risque » se poursuit sans relâche et des études sur l’empreinte génomique et les facteurs environnementaux sont menées afin de déterminer la « cause » de l’autisme — qui est davantage considéré aujourd’hui comme un profil neurocognitif, accompagné de différents niveaux de handicap, plutôt que comme une perturbation émotionnelle.

On parle aussi de plus en plus du fait que l’écrasante majorité des personnes diagnostiquées sont historiquement des garçons, ce que les scientifiques ont tendance à interpréter comme la preuve d’un lien intrinsèque entre autisme et sexe masculin. Par exemple, le professeur Simon Baron-Cohen considère l’autisme comme une « forme extrême du cerveau masculin »6 [extreme male brain], qu’il décrit comme ayant une pensée rationnelle et systématique, couplée à un manque de compréhension sociale, et qu’il attribue à une surcharge d’hormones « mâles » dans l’utérus au cours de la grossesse. De la même manière, le Dr Christopher Badcock théorise l’autisme comme un type de pensée «hyper-mécaniste» découlant de l’empreinte génomique paternelle7, suggérant lui aussi un lien entre autisme et sexe masculin.

Néanmoins, ces interprétations biologisées et sexuées de l’autisme ne sont, en fin de compte, pas non plus convaincantes ; et cette prétendue association entre autisme et masculinité biologique est problématique en plusieurs points8. Tout d’abord, elle semble confondre le sexe (plutôt biologique) et le genre (plutôt culturel), et ce d’une manière dogmatique qui pose problème, puisqu’elle ne tient pas compte de l’extrême complexité qu’il peut y avoir entre les deux. Deuxièmement, même s’il est souvent vrai que les personnes autistes tendent à présenter des traits de caractère prétendument « masculins », elles ne cochent généralement pas toutes les cases de cette masculinité stéréotypée, telles que charrier ses potes ou être bon en sport. Troisièmement, même si, historiquement, l’autisme était principalement diagnostiqué chez les hommes et les garçons, on sait désormais que de nombreuses filles et femmes présentent les mêmes traits cognitifs — ce qui rend d’autant plus problématique l’association supposée entre autisme et masculinité d’un point de vue neurobiologique.

Par ailleurs, au-delà même de ces questionnements liés au genre, quand on examine la littérature scientifique dans son ensemble, les choses semblent se compliquer dès lors que l’on cherche à attribuer à l’autisme une  essence biologique. En effet, les résultats de la recherche ont montré que plus d’un millier de gènes, ainsi qu’un large éventail de facteurs environnementaux9 — allant de l’âge de la mère pendant la grossesse à la proximité des autoroutes autour du lieu d’habitation — semblent augmenter la probabilité de développer les traits cognitifs et comportementaux associés à l’autisme. Mais, et c’est essentiel, l’autisme n’a pas de cause unique ni même une série de causes combinées. De même, il n’existe pas d’essence neurologique propre à l’autisme10 : malgré les informations trompeuses que perpétuent certain‧es journalistes scientifiques un peu trop enthousiastes, chaque cerveau autiste est unique, et les études qui affirment avoir trouvé une certaine unité neurologique sont rarement reconduites.

Dans son livre Rethinking Autism [Repenser l’autisme] datant de 2013, la professeure Lynn Waterhouse11 estime que tout cela est indicateur d’une erreur fondamentale : nous serions guidé‧es par l’idée fausse que l’autisme constitue un unique objet biologique, éventuellement déclinable en « spectre ». Voici ce qu’elle écrit : « L’autisme n’est ni une seule maladie ni « plusieurs autismes », seulement un ensemble de symptômes. Leur hétérogénéité et les comorbidités généralement associées suggèrent que les symptômes autistiques, à l’image d’une fièvre, (…) renvoient à un large éventail de troubles sous-jacents ». Dans ce contexte (et en mettant de côté son vocabulaire particulièrement pathologisant), rechercher la « cause » de l’autisme, conceptualisée en tant que cause physique, n’a pas vraiment de sens (même si chaque cas particulier peut présenter une cause physique qui lui est propre). En d’autres termes, il s’agit de revoir le postulat de base selon lequel l’autisme est une catégorie naturelle, telle que « tigre » ou « mammifère », et non une catégorie sociale12, comme la race ou le genre.

Contrairement à ces approches dominantes et biologisantes, mon questionnement concernant la « cause » de « l’épidémie d’autisme » est ailleurs — par-delà le biomédical et vers le normatif. En effet, nous devrions davantage nous intéresser aux causes sociales de notre catégorisation de l’autisme (y compris celles qui ont amené cette catégorie à changer et à s’élargir), plutôt qu’aux fondements biologiques des traits qu’on associe à l’autisme chez un individu donné. Car, une fois accepté le fait que l’autisme n’a pas d’essence physique unifiée, cela me semble la manière la plus pertinente d’interroger ce qui a « causé » l’apparition de l’autisme en tant que catégorie à part d’êtres humains, puis son expansion en un large « spectre » — ou, en effet, une « épidémie ».

Dans cette optique, la première chose à constater est que les psychiatres ne pathologisent pas les gens au hasard. Au contraire, comme le fait remarquer Karl Jaspers (un des pionniers de la psychiatrie) dans son livre de 1913, Psychopathologie Générale : « La définition du maladif dépend moins du jugement du docteur que du jugement du patient et des opinions dominantes dans un cercle culturel donné ». En d’autres termes, les psychiatres finissent toujours par pathologiser quiconque vient ou est envoyé‧e chez elleux pour obtenir « de l’aide ». Mais quiconque se retrouve à être considéré‧e comme pathologique et nécessitant de l’aide aura déjà été défini‧e comme « pathologique », par les normes existant plus largement dans la société — et c’est tout particulièrement vrai pour celleux que ces normes excluent.

Prenons, par exemple, la façon dont l’homosexualité était, à tort, médicalisée comme un trouble mental13 au milieu du 20e siècle. Au départ, si l’homosexualité a été pathologisée de la sorte, c’est en partie parce que les homosexuels (pour employer le langage de l’époque) ont commencé à consulter en masse, de leur propre chef ou bien poussés par leurs proches à aller chercher « de l’aide » pour lutter contre leurs pulsions. Mais, si on les y envoyait, c’est précisément parce que la société était homophobe ; et qu’elle avait déjà défini l’homosexualité comme quelque chose de « maladif », car allant à l’encontre de l’hétéronormativité hégémonique. Aussi, en médicalisant l’homosexualité, la psychiatrie institutionnelle a agi davantage comme un catalyseur de ces normes sociales que comme leur cause — et il en va de même pour de nombreuses autres classifications psychiatriques.

En gardant à l’esprit cette relation entre normes sociales et médicalisation psychiatrique, nous pouvons donc nous demander, en premier lieu, quelles normes ont mené à ce que l’autisme – une fois dissocié de la déficience intellectuelle – soit considéré comme une catégorie à part d’êtres humains nécessitant une prise en charge médicale. Autrement dit, pour retrouver ce qui a « causé » l’apparition de l’autisme en tant que catégorie spécifique, nous devons déterminer, non pas les fondements biologiques de l’autisme, mais quelles normes sociales ont changé, et de quelle manière, pour que celleux qu’on définit alors comme ayant un « autisme léger » ou « syndrome d’Asperger14 » commencent à être identifié‧es comme posant problème — un phénomène qui a d’abord eu lieu brièvement en Autriche dans les années 1930, puis de nouveau en Grande-Bretagne, avant de s’étendre au reste de l’Occident dans les années 1980.

Tournons-nous, tout d’abord, vers l’Autriche des années 1930, où le Dr Hans Asperger et ses collègues commencent à remarquer l’apparition d’un nouveau type d’individu. Depuis longtemps déjà, les personnes autistes aux handicaps les plus visibles, présentant par exemple une déficience intellectuelle profonde, étaient identifiées comme problématiques — c’est simplement qu’on les appelait « faibles d’esprit » ou bien « schizophrènes » plutôt qu’autistes. Or, à ce moment-là, et pour la première fois dans l’Histoire, plusieurs garçons (à l’époque, c’étaient toujours des garçons) ont commencé à être envoyés dans des cliniques du monde germanophone. On les classerait aujourd’hui comme ayant un « syndrome d’Asperger » ou comme étant  « autistes à haut niveau de fonctionnement ».

Pour étudier les causes sociales de l’émergence de l’autisme dans la Vienne des années 1930, il est tout d’abord important de noter qu’elle a coïncidé avec la montée du nazisme, la prise de pouvoir d’Hitler et l’occupation de l’Autriche par les Allemands. D’un côté, comme je l’ai déjà écrit dans un article précédent15, le parti nazi adhérait à une idéologie basée sur le darwinisme social, qui les a poussés à catégoriser et tenter d’éliminer tout comportement qu’ils jugeaient anormal. Cela explique en partie pourquoi les personnes divergentes ont alors été pathologisées dans des proportions grandissantes. Cependant, cela ne suffit pas à expliquer pourquoi les comportements que nous appelons désormais « traits autistiques » ont été classifiés comme anormaux, et ce, uniquement chez les garçons, alors que d’autres comportements « masculins » — les jeux d’argent, le donjuanisme, ou encore le mensonge — n’étaient pas perçus comme problématiques.

Ce phénomène peut toutefois s’expliquer au regard des normes genrées alors en vigueur en Allemagne nazie, qui étaient intimement liées à la volonté de stériliser et exterminer les personnes présentant un handicap cognitif. En effet, dans l’idéologie nazie, le rôle des hommes était de contribuer à l’État, et celui des femmes de procréer. Quant aux personnes présentant des handicaps cognitifs profonds, hommes ou femmes, elles étaient jugées inaptes à remplir leurs rôles de genre, et exterminées16. Parallèlement, d’une manière plus subtile, mais tout aussi omniprésente17, l’idéologie nazie encourageait une hyper-masculinité dont la virilité était spécifiquement associée à des activités de groupe jugées héroïques. En accord avec cet idéal de « l’homme nouveau », il convenait de développer une « mentalité de soldat », de rejoindre les rangs d’organisations masculines telles que la SS et de combattre auprès de ses frères sur le champ de bataille. En outre, une énorme pression patriarcale s’exerçait sur les hommes afin qu’ils épousent des femmes aryennes « génétiquement adéquates », se reproduisent et inculquent les valeurs nazies à leurs enfants. S’ils ne présentaient pas tous ces traits, ils n’étaient pas considérés comme de « vrais hommes » et sortaient du cadre de la normalité.

Cette réalité, plus que toute autre, explique peut-être pourquoi ces garçons, auparavant considérés comme « normaux », se sont si soudainement multipliés dans les cliniques. Plus proches de ce que nous appelons aujourd’hui la « culture geek » — ​​êtres solitaires, dépourvus d’habiletés sociales, et intéressés par activités de nature mécaniques ou philosophiques — ceux qui seraient plus tard qualifiés d’autistes « Asperger » ne correspondaient pas du tout à l’idéal nazi de « l’homme nouveau ». Autrement dit, ils ne paraissaient pas particulièrement aptes à se marier, étant donné leurs supposés problèmes de socialisation, ni à adopter la « mentalité de soldat », puisqu’ils faisaient preuve d’une pensée autonome et originale, et se montraient peu enclins à suivre le mouvement. En résumé, comme le constatait le Dr Asperger en 1944, ses patients autistes avaient tendance à « suivre uniquement leurs propres souhaits, intérêts et impulsions spontanées, sans se soucier des restrictions ou directives venues de l’extérieur » — comportement qu’on peut considérer comme particulièrement déviant par rapport à la volonté nazie d’instaurer une mentalité de groupe hyper-masculine et homogène.

Si ce que j’avance vous paraît insensé, pensez au temps qu’il a fallu pour que ce « syndrome d’Asperger » commence à être considéré comme un problème au Royaume-Uni et dans le reste du monde occidental. S’il a brièvement été jugé problématique dans le monde germanophone des années 1930 et 1940, ce n’est qu’à partir des années 1980 qu’il est systématiquement apparu comme tel dans le reste de l’Occident. Et là où les approches biologisées ne peuvent pas réellement expliquer un tel écart, il est une explication sociale évidente : pendant la première moitié du 20e siècle, les normes de genre étaient très différentes dans l’Occident libéral de celles de l’Allemagne nazie. De fait, l’idéal masculin moderniste en vigueur dans le reste de l’Occident correspondait beaucoup plus aux traits que nous associons aujourd’hui au « syndrome d’Asperger » : se montrer rationnel, franc, focalisé, et dépourvu d’empathie, était extrêmement valorisé chez les modernistes.

Comme l’a fait remarquer Patrick McDonagh18, de nombreux héros et antihéros écrits par des auteurs modernistes (allant de Beckett à Kafka) semblent, rétrospectivement, présenter des traits similaires aux individus dits « Asperger ». Un exemple parlant est celui de Meursault, l’étranger d’Albert Camus, qui a été décrit comme « une représentation frappante de l’autisme à haut niveau de fonctionnement »19. Et ce n’est pas seulement à cause de l’intense surcharge sensorielle qu’il subit sous le soleil brûlant de l’Algérie ; c’est aussi qu’il est, comme le dit Camus lui-même, « étranger à la société où il vit, il erre, en marge, dans les faubourgs de la vie privée, solitaire, sensuelle ». Aussi, en opposition totale avec l’hyper-masculinité de l’Allemagne nazie, ces traits étaient, à tort ou à raison, positivement fétichisés chez les hommes de l’Occident moderniste pendant toute la première moitié du 20e siècle — et n’étaient donc absolument pas considérés comme pathologiques ou nécessitant un suivi médical.

Or ces mêmes traits qui étaient glorifiés à l’époque moderniste ont peu à peu commencé à poser problème dans les années 1980 au Royaume-Uni — ce qui signifie que quelque chose a changé dans la normativité sociale britannique. Fait intéressant que soulignent le critical psychiatrist20 Sami Timimi et ses collègues21, cela s’est produit en plein essor du néolibéralisme, et plus particulièrement de l’économie de services. Ce bouleversement économique a, entres autres, commencé à altérer la définition de l’homme idéal : plutôt que se montrer focalisés et obsessionnels, les hommes ont dû développer une capacité à adopter des rôles toujours changeants et à devoir constamment « se vendre » pour s’intégrer. En d’autres termes, les travailleurs ont dû devenir de plus en plus agiles, flexibles, narcissiques et hyper-sociaux dans le but de réussir et se faire apprécier — et cette dynamique économique s’est vue reflétée dans la normativité sociale en jeu à tous les niveaux de la société.

Ainsi, alors que les conceptions modernistes de la masculinité tendaient à célébrer les traits autistiques, l’idéologie économique néolibérale a commencé à modifier cette perception idéalisée de la masculinité de sorte que celle-ci est devenue pathologique. Les garçons qui ne correspondaient pas à ces nouvelles normes ont commencé à se présenter dans les cliniques et on observe un regain d’intérêt soudain pour les publications de Hans Asperger datant des années 1940 et auparavant négligées, impulsé par la psychiatre britannique Lorna Wing afin de rendre compte de cette nouvelle réalité. Au milieu des années 1990, le syndrome d’Asperger est ajouté à tous les grands manuels de diagnostic, le « spectre autistique » s’élargit radicalement, et le nombre de personnes diagnostiquées explose.

En conclusion, dans les deux cas où le « syndrome d’Asperger » s’est imposé en tant que classification à part entière — tout d’abord brièvement sous l’occupation nazie dans les années 1930-1940, puis, plus tard, au Royaume-Uni, en Europe et aux U.S.A, à partir des années 1980 — l’évolution des normes de genre aide à comprendre pourquoi tel ou tel trait a commencé à poser problème, y compris dans des cas de plus en plus subtils. Autrement dit, les normes de genre permettent d’expliquer la « cause » de l’autisme, et de « l’épidémie » d’autisme dans sa seule acception recevable : il n’est pas question d’une cause physique, mais de quelque chose qui est apparu et s’est développé pour donner forme à un groupe social distinct à un moment donné de l’Histoire.

1. http://www.autism-help.org/points-refrigerator-mothers.htm
2. https://www.theguardian.com/society/2015/apr/21/no-link-between-mmr-and-autism-major-study-concludes
3. https://www.bmj.com/content/342/bmj.c7452
4. https://www.theguardian.com/society/2013/apr/06/what-happened-man-mmr-panic
5. https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/26709141/ 
6. https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/12039606/
7. https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/22122342/
8. https://jordynnjack.com/books/autism-and-gender/
9. https://www.medicaldaily.com/autism-caused-environment-just-much-genes-scientists-say-280122
10. https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pmc/articles/PMC3812662/
11. https://lynnwaterhouse.pages.tcnj.edu/
12. https://medium.com/the-establishment/autism-isnt-just-a-medical-diagnosis-it-s-a-political-identity-178137688bd5
13. https://onlinelibrary.wiley.com/doi/10.1002/9781118896877.wbiehs296/abstract;jsessionid=A6A2A30A12E3CCC524D5141ADCE8C40A.f03t01?userIsAuthenticated=false&deniedAccessCustomisedMessage=
14. NDE : Robert Chapman utilise ici le terme d’Asperger qui était alors largement mobilisé autant par le milieu médical que les personnes concernées lors de la rédaction de son article en 2016. Il y avait en effet un relatif consensus à diviser l’autisme en plusieurs catégories telles qu’autisme à bas et haut niveau de fonctionnement ou bien autisme Asperger et autisme de Kanner. Publié en 2015, l’ouvrage du journaliste Steve Silberman NeuroTribe retrace ainsi comment la redécouverte des travaux d’Asperger a participé à former une perception plus positive de l’autisme. Les communautés militantes autistes s’opposaient toutefois à cette division binaire de l’autisme en deux catégories. D’une part, parce qu’elle impliquait une hiérarchisation validiste à l’intérieur même de la catégorie d’autisme. De l’autre, parce qu’elle ne rendait pas compte de sa complexité ainsi que de la diversité des besoins d’aménagement nécessaires. À partir de 2016 et par suite des recherches d’Herwig Czech et d’Édith Sheffer, les liens entre Hans Asperger et le nazisme sont mis en lumière ainsi que sa participation à la politique d’extermination d’enfants handicapé‧es et le terme cesse alors d’être utilisé.
15. https://criticalneurodiversity.com/2016/10/13/the-guardian-is-wrong-to-defend-eugenics-heres-why/
16.https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/27624646/
17. https://journals.library.ualberta.ca/constellations/index.php/constellations/article/view/16286
18. http://www.patrickmcdonagh.net/index.html
19. https://www.psychologytoday.com/intl/blog/the-imprinted-brain/201006/the-big-plus-of-the-outsider-society-truth-challenges-lies
20. NDE : Si Robert Chapman cite ici Sami Timimi, il s’est plus tard éloigné puis opposé à lui et au courant des psychiatres critiques [critical psychiatrists]. Pour ces derniers, les diagnostics psychiatriques sont scientifiquement faux, humainement nuisibles et devraient être remplacés par des soins psychiques centrés sur les personnes. De plus, la santé mentale étant une question politique et non médicale, les personnes ayant eu un diagnostic de trouble mental ne sont pas « vraiment » handicapé. Pour Chapman, cette critique a ses propres problèmes, car les méthodes de soin proposées tout comme les diagnostics sont sujets aux mêmes biais idéologiques. Il propose de sortir d’une binarité entre ce qui tiendrait du médical et du politique pour reconnaître que les classifications psychiatriques peuvent être réappropriées et devenir émancipatrices en tant que catégories politiques utilisées pour l’organisation collective. En réalité, se passer complètement de diagnostics pourrait en fait renforcer l’individualisme néolibéral plutôt que le résoudre.
21. https://www.bloomsbury.com/uk/myth-of-autism-9780230545267/


Publié initialement sur intersectionalneurodiversity.wordpress.com le 29 novembre 2016.


Traduit par Nemo Furvent
Relectures et corrections par Mio Koivisto


Robert Chapman est un‧e philosophe neurodivergent‧e britannique non binaire qui a soutenu sa thèse Autism, Neurodiversity, and the Good Life: On the very possibility of autistic thriving à l’Université d’Essex en 2018. En parallèle de sa carrière universitaire, iel écrit des articles accessibles sur ses blogs Neurodiverse Age et Critical Neurodiversity. En 2023, iel a publié Empire of Normality: Neurodiversity and Capitalism édité par Pluto Press et iel prépare son prochain livre Neurodiversity: A Very Short Introduction co-écrit avec Sue Fletcher-Watson.